Parcours sonores

Naviguer dans un atlas sonore n’est pas toujours aisé. Voici ci-dessous quelques parcours sonores pour vous guider dans votre écoute.

(insérer carte)

Un aussi long accent

Vous avez déjà fêté le nouvel an dans le canton de Vaud ? Alors peut-être vous a-t-on souhaité ses meilleures penséyes pour la nouvelle annéye ! Cette prononciation qui consiste à ajouter un i bref (les linguistes l’appellent yod) aux mots se terminant par -ée est propre aux Vaudois. Pourquoi ? Parce qu’ils ont tendance à produire d’assez longues voyelles, au point que le son correspondant à -ée se transforme en deux voyelles distinctes. Ce phénomène, qu’on appelle diphtongaison, est très répandu en terre vaudoise, et dans une moindre mesure dans les zones limitrophes, comme la Broye fribourgeoise, certaines communes genevoises ou le district de Monthey (VS). Sélectionnez les mots « année », « buée », « bouée », « carrée », « cheminée », « épée », « nuée », « pensée » ou encore « poutzée » pour découvrir où cette prononciation particulière est présente en Suisse romande.

Où résonnent les consonnes

Si les variations de prononciation touchent avant tout les voyelles, les consonnes ne sont pas pour autant identiques partout en Suisse romande : comparez par exemple la prononciation de « Zurich » ou « zurichois » en Valais et ailleurs. Les uns prononcent la première lettre /dz/, un peu à la manière alémanique, les autres simplement /z/. Dans le même ordre d’idée, le nom de « Bach » fait l’objet de plusieurs prononciations : à l’allemande, très répandue en Suisse romande, et, plus rare, à la française, avec le digramme ch prononcé /k/. En fin de mot, on peut observer la disparition ou l’apparition de certaines consonnes : cherchez par exemple où le t de « but » n’est pas prononcé. A contrario, sélectionnez « district » pour trouver où l’on entend ses consonnes finales ct.

Concordance des temps

Les Chaux-de-Fonniers le savent bien : pour se rendre à la célèbre école d’arts appliqués, il faut emprunter la Rue de la , selon la prononciation locale de paix. Pourtant, pas question d’y confondre épée et épais, lequel rime avec mais . Mais ne blâmons pas pour autant le manque de rigueur phonétique des habitants de la cité horlogère. Considérez que pour deux prononciations différentes (e ouvert, comme dans mer ; e fermé, comme dans clé), on compte de très nombreuses réalisations graphiques en fin de mot : é, ès, et, er, ez, ai, ais, ait, aix, ay… Pas évident, donc, d’y trouver une systématique, d’autant que l’orthographe française porte souvent les traces de son histoire, quitte à ne pas correspondre aux évolutions de prononciation. On peut néanmoins observer en Suisse romande la tendance à distinguer d’un côté les e fermés des mots se terminant en é et er, et de l’autre les e ouverts correspondant aux digrammes et et ai + consonne. Écoutez le trio « piqué », « piquet » et « piquais » qui illustre bien ce phénomène (spoiler alert : le Valais ne fait à nouveau pas comme tout le monde).

Dans le même ordre d’idée, les Suisses romands ont tendance à distinguer à l’oral les formes futures des formes conditionnelles : « je mettrai » est généralement prononcé avec un e fermé, alors que « je mettrais » l’est avec un e ouvert. Testez ces items et comparez-les avec cette carte de la francophonie européenne consacrée au même sujet.

C’est la quantité qui compte

Selon Mathieu Avanzi, spécialiste de variation régionale, les Suisses seraient meilleurs que les Français… en orthographe ! Leur secret : un système vocalique plus développé, qui traduit davantage de nuances. Un exemple ? La paire « faites » et « fête » est prononcée de manière similaire en France, au contraire de la Suisse, où les francophones allongent le ê de fête. Le phénomène est le même pour « patte » et « pâte », ou « belle » et « bêle », des oppositions désormais absentes en France. On parle ici de quantité vocalique, autrement dit de durée des voyelles : en opposant à l’oral les ê et â, les Suisses les distinguent par conséquent plus facilement à l’écrit. Et toc ! Mais les oppositions de quantité ne concernent pas uniquement l’accent circonflexe. On les retrouve par exemple dans les adjectifs ou les substantifs féminins, plus longs que leurs équivalents masculins : « ami » et « amie », « bleu » et « bleue », « gentil » et « gentille », etc.

Schlagué du galetas ou complétement à la strasse ?

Le lexique propre à la Suisse provient de trois sources différentes : les archaïsmes (soit des mots initialement présents dans toute la francophonie mais désormais inusités, tels que septante et nonante), les innovations (soit des néologismes, des termes créés dans un contexte spécifique, tels que natel) et les emprunts à d’autres langues. En Suisse romande, ces derniers puisent pour beaucoup dans l’allemand ou le suisse-allemand, des langues qui voisinent le français. On compte parmi ceux-ci « le cratse » (de Katz, le chat), « le fatre » (de Vater, le père), « stöck », un terme utilisé au jeu du jass (ou chibre), ou encore « poutzer » (de putzen, nettoyer). Sélectionnez ces termes pour entendre leur prononciation dans toute la Suisse. À cet exercice, les locuteurs de l’arc jurassien sont privilégiés, car ce sont eux qui utilisent le plus ces termes.

À fleur de pot

Si dans l’imaginaire collectif l’accent de l’arc jurassien est célèbre pour ses r et ses an que les mauvais esprits jugent tout droit sorti d’un nez bouché, il recèle aussi une spécificité en voie de disparition ailleurs en Suisse : les mots tels que « pot » prononcés avec un o ouvert (comme le o de « porte »). Dans les cantons de Genève et du Valais, l’opposition avec « peau » a quasiment disparu, alors qu’elle était encore présente voici cinquante ans. Pour découvrir où ce phénomène est toujours vivant, comparez les paires « lot » et « l’eau », « mot » et « maux », « sot » et « seau ». Sélectionnez également « bistrot », « rigolo » ou encore « boulot » pour découvrir comment se prononce o en fin de mot.

Bon pied, bon (ort)œil

Fribourg : sa double crème, son club de hockey… et ses orteils. Le mot y a une prononciation particulière : ort-euil (/ɔʁtœj/), rimant alors avec œil ou feuille (à compléter).

Un brin brun

La pierre d’alun, ça vous dit quelque chose ? C’est un déodorant naturel, mais ce n’est pas vraiment ce qui nous intéresse ici. Sa prononciation, en revanche, est susceptible d’être confondue avec celle de « la pierre d’Alain ». C’est le cas dans la majeure partie de la Suisse romande, exception faite de l’arc jurassien, où un fait l’objet d’une prononciation spécifique. Et encore : la distinction entre /un/ et /in/ est aussi générationnelle, les moins de … ayant tendance à ne plus opposer « brun » et « brin », par exemple. Pour le découvrir, sélectionnez ces termes, ou encore « empreinte » et « emprunte » pour découvrir où cette opposition est présente en Suisse